Les sons différenciels

Les sons différenciels:

C’est grâce à eux que l’on peut très précisément accorder deux flûtes à l’oreille. Pourquoi? Comment?

Tout d’abord, un peu d’orthographe: on pourrait écrire « son différentiel », car l’adjectif différentiel existe bien dans la langue francaise en mécanique, en sociologie, en maths etc…
Mais nous préférons suivre la voie de Jacques Dudon (éminent microtonaliste) et donner une orthographe qui a du sens: différenciel, dérivé de l’américain « difference tone ».

Car pour le définir simplement, un son différenciel résulte de la différence de  2 notes (c’est-à-dire de la soustraction de leurs deux fréquences)…

Mais revenons en arrière.

Mes deux flûtes jouent chacune un son périodique.
Cela à deux fréquences différentes.
Cela provoque des interférences.
Parmi ces interférences, certaines sont appelées  battements (beats).

Ces battements peuvent être très lents quand on est proche d’un unisson; ou bien très rapides, si rapides qu’on entend une nouvelle note, qu’on appelle « son différenciel ».

 

Sur cette video, on voit une étude des interférences. Imaginez que vos deux flûtes sont à la source des vagues! On voit bien qu’il y a plusieurs sortes d’interférences. Les « battements » sont visibles à partir de la 3e minute.

Sur la video suivante, on voit en bleu et en vert deux fréquences assez proches l’une de l’autre. On peut remarquer que les courbes sont parfois toutes les deux dans le +, parfois toutes les deux dans le -, et parfois une dans le + et l’autre dans le – (dans ce cas elles s’annulent l’une l’autre.)
Du coup, on peut voir en jaune la courbe qui résulte de l’addition de la bleue et de la verte. Quand bleue et verte sont dans le +, la jaune a une plus grande amplitude, et vice-versa.
Ces variations d’amplitude sont perceptibles à l’oreille, à une fréquence moindre. Cela donne l’effet du battement…

Ainsi le phénomène du battement vous est expliqué.
Maintenant, pour que vous compreniez le phénomène des sons différenciels, il faut vous dire que ces battements lorsqu’ils sont très rapides sont interprétés par le cerveau comme un son plus grave.
Une sorte d’illusion d’oreille, quoi.

Bizzare!

Et ce son plus grave est facilement perçu par les uns, mais aussi totalement ingoré par certains autres. C’est la même chose que pour les harmoniques: il faut éduquer son oreille (ou plutôt son cerveau) à faire un focus sur ces sons, les isoler, les reconnaître.
Nous avons remarqué que les plus « sourds » à ces sons sont des gens qui pratiquent les flûtes à bec depuis longtemps (facteurs de flûtes ou même flûtistes virtuoses), si, si!

Pourquoi????
Une explication assez simple est que les sons différenciels sont la plupart du temps très « faux » dans le contexte musical. Par exemple, une mélodie à deux voix jouée par deux flûtes à bec accordées « normalement » va générer des sons différenciels très, très moches.
Du coup, le bon musicien, dont l’objectif principal est de ressentir un vif plaisir à l’écoute de la musique, va par habitude « boucher » cette perception, faire abstraction totale de ce phénomène.
C’est ce qu’on appelle l’habitude…

Nous avons aussi entendu certains les appeler « subharmoniques », à propos de doubles ocarinas, mais ne les croyez pas, les subharmoniques (division par des nombres entiers du son fondamental) n’ont rien à voir avec les différenciels (soustraction d’une fréquence à une autre).
Précisons ici d’ailleurs que certains chercheurs prétendent que subharmoniques et sons différenciels n’existent pas. Nous ne sommes évidemment pas de leur avis puisque nous nous en servons quotidiennement…

Nous cherchons au contraire à écouter ces sons graves, dont la sensation est une vibration entre les deux oreilles, dans le cerveau, et à faire en sorte de les accorder pour que nos flûtes doubles fassent un chant à trois voix.

Comment ça marche?

Fastoche encore: j’ai deux sons purs (des sons sans harmoniques):   un à 330 hz (mi3), et un à 220 hz (la2)
Ils vont générer un son différenciel à: 330-220=110 hz  (la1)

On va avoir une belle consonance (qui passera pour une fusion de timbres) fondamentale-octave-quinte, avec un grain (le la1) magnifique.

Je dois préciser une règle IMPITOYABLE. On va laisser à l’école les histoires de logarithmes et tous les trucs compliqués, ça va être simple mais il faut suivre…
Accrochez-vous on va partir!

L’octave musicale occidentale est divisée en 12 demi-tons, de hauteur fixe.
La physique (qui s’en fout de la musique) mesure ces hauteurs en fréquences (hz).
Pour monter d’une octave, on double la fréquence.
Ainsi, le LA1 est à 110hz, le LA2 est à 220hz, le LA3 à……. 440hz, le LA4 à 880hz, etc.

VOUS AVEZ VU?
Pour monter jusqu’à la deuxième octave, je suis passé sur 110 petits hertz.
Pour atteindre la troisième octave, j’ai piétiné 220 petits hertz.
Pour grimper jusqu’à la quatrième octave, j’ai franchi 440 petits hertz!!!!

Allez voir là pour le croire: table des fréquences des notes du tempérament égal

Est-ce que les hertz sont de plus en plus petits quand ils sont aigus?
NOOOOON!!!!
un hertz ça reste un battement par seconde, aigu ou grave, au Japon comme au Mozambique.

Est-ce que je suis plus fatigué en haut qu’en bas?
NOOOOOOON!!!!
Parce que je suis musicien! A chaque octave, je n’ai monté que de 12 demi-tons.

CE QUI VEUT DIRE QUE:
Le demi-ton de mon octave du haut est rempli de vachement plus de hertz que le demi-ton de mon octave du bas.
(exemple: entre LA1 et SIb1 il y a  7 hertz, et entre LA4 et SIb4 il y a 52 hertz)

Et alors, cela fait que si mes flûtes sont aigues,

je joue avec mon bourdon un MI4 à 660hz,
et avec mon chanteur un SOL#4 à 825hz,
je vais avoir un son différenciel audible à (825-660=) 165hz. C’est un MI2

Si je change un chouilla la note de mon SOL#4, qui sera un gros poil plus haut à 835hz
je vais avoir un son différenciel audible à (835-660=) 175hz. C’est un FA2

Donc, dans un cas, j’ai une tierce petite (mi-sol#) qui génère un mi deux octaves plus bas (bravo! quel unisson! quelle plénitude!)
Dans l’autre cas, j’ai une tierce un peu grande (mi-sol#) qui génère un fa deux octaves plus bas (beurk! pas beau!!!)

Et si je m’amuse à jouer avec le tempérament égal:
(SOL#4 à 831hz)(MI4 à 659hz)  = 172hz, c’est-à dire un truc deux commas plus bas que le FA4 (méga beurk, beurk et rebeurk.)

Pour résumer, si vous avez eu le courage de lire jusqu’ici, vous méritez que je vous donne ma belle formule scientifique:
SI TU BOUGES UN CHOUILLA EN HAUT, CA REMUE GRAVE EN BAS;
autrement dit: « une moindre altération de l’intevalle joué altèrera grandement la hauteur du son différenciel ».

C’est pour cela que le son différenciel est une sorte d’agrandissement à la loupe de la consonnance de nos deux flûtes.

Nous voici rendus à la seconde étape:

Jusqu’à présent nous avons parlé de sons purs, or ceux-ci sont très rares.
Nos flûtes ont des sons assez peu timbrés (on entend 4 ou 5 harmoniques au plus).
Ces harmoniques génèrent eux aussi des sons différenciels (eh oui…) On les appelle sons différenciels de second ordre (par opposition avec les sons différenciels de premier ordre qui sont émis par les fondamentales.)

Du coup, on a en vérité au moins deux sons différenciels à entendre quand on écoute attentivement nos flûtes doubles. C’est une véritable polyphonie à 3 voix plus un bourdon.

Un commentaire sur “Les sons différenciels

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