Cistres, cascavèu et esquilous

Cette percussion qui occupe le registre aigu de l’orchestre a un rôle primordial, car elle fixe le débit de la musique. Elle est une sorte de sistre, constituée de cymbalettes de métal ou végétal, mais aussi de grelots, fixés sur un cougourdon. .

e sistre était utilisé par tous les peuples de l’Antiquité: les scythes, les celtes, les romains et les grecs. C’est en Egypte qu’il est le plus représenté, car il était l’attribut de la déesse Hathor, divinité de la sexualité, de la fête, de l’ivresse et de la musique. Il sera par suite attribué à Isis. Les Egyptiens se servaient du sistre au cours de cérémonies religieuses pour chasser les mauvais esprits. .

Aujourd’hui d’une façon assez commune, cet instrument de musique, ancien et primitif, constitué d’un cadre sur lequel sont enfilées des coques de fruits, des coquilles de mer ou des rondelles métalliques, qui s’entrechoquent à l’agitation, figure la force vitale, en processus de régénération, qui active la matière assoupie pour la remettre dans le mouvement de l’évolution.  De même, toutes les formes d’existence qui se ralentissent doivent être agitées pour que jamais le mouvement de la vie ne s’immobilise.  Toujours, il instille la joie…

Il en va de même pour le grelot, instrument lié à tout mouvement, qui est symbole de vie et de folie.

A Nice il y a une expression amusante : avé de cascavèu en testa « être écervelé ». Bakhtine nous rappelle à ce propos que « (l)es clochettes ou grelots (accrochés dans la majorité des cas au cou des vaches) figurent comme accessoires indispensables de l’acte carnavalesque dans les témoignages les plus anciens en notre possession. »¹⁴ Cela remonte au moins aux cultes dionysiaques, où quelques personnages du thiase, portent les grelots des boukoloï, bergers ou vachers. En effet, le grelot dont sont affublés les fous médiévaux, très présents en carnaval, est un accessoire qui les rapproche de l’animal domestique. Tous deux vivent dans l’entourage des hommes, mais leur raison fait défaut. Concernant les animaux, le grelot a une double fonction : localiser l’animal, mais aussi la protéger des mauvaises rencontres (esprits ou bêtes sauvages). Dans ce sens, le grelot est un outil qui sert à surveiller et protéger la créature vivante et mouvante, tout en lui laissant l’autonomie dont elle a besoin.

Par ailleurs, cet accessoire est aussi symbole de fécondité. Est-ce sa rotondité et sa bille de métal enfermée, qui rappellent le fruit et sa graine ? Ou encore cette même rotondité et cette fente, qui figureraient le ventre de la femme ou femelle enceinte ?

Enfin, le grelot est un instrument de communication avec les revenants. Selon Gaignebet, « Le propre des morts qui reviennent est d’entendre le son des grelots. Un mort réellement mort n’entend plus son grelot. Cela le différencie du mort vivant. Car le mort vivant, lui, fait toujours vibrer son grelot. » Ces cascavels et esquilons agités par les Vespa ne sont pas seulement des instruments de musique.

Certes, ces instruments dansants fixent la pulsation et forment un point de repère pour tous les musiciens, mais ils ont aussi une fonction oubliée de nos jours : réveiller la vie qui sommeille, la protéger des revenants, stimuler la fertilité… dans un esprit de fête, de folie et d’ivresse. .

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