cougourdon qu’ès aquo?

Cougourdon, qu’es aquò ?

mille formes et mille noms :

« Una maioun sensa cougourdoun es couma un nidou sensa passeroun ». Un logis sans cougourdon, c’est comme un nid sans oisillons. (proverbe niçois)

La plante « à coucourdes »décline ainsi son identité : de l’ordre des Cucurbitales, comprenant la famille des cucurbitacées, (qui se décline en 130 genres, 800 espèces, 10000 variétés), du genre Lagenaria, de l’espèce Siceraria. Il y a de multiples variétés, se différenciant entre autres par les multiples formes et tailles des fruits. La plante produit des fleurs blanches, à pollinisation nocturne, et ses fruits ont l’écorce particulièrement dure.

On nomme communément ce fruit « calebasse ». Ce mot désigne de manière indistincte la coque d’un fruit séché dont l’écorce, péricarpe ligneux, naturellement creux, sert d’ustensile une fois séché. Il est imperméable et imputrescible, et peut être utilisé de différentes manières. La calebasse désigne surtout le fruit de deux familles très différentes : Crescentia et Lagenaria. Crescentia est une bigoniacée et pousse en Amérique et dans les zones tropicales, tandis que Lagenaria est une cucurbitacée et pousse partout dans le monde. Les deux fruits sont différents, n’ont pas les mêmes fonctions symboliques comme le rapporte Claude Levi-Strauss, dans Du miel aux cendres p391-393). Aussi, pour éviter toute confusion, nous éviterons d’utiliser le terme « calebasse » dans cet article.

Dans le sud de la France, le fruit est appelé communément courge, gourde, coloquinte, coucourdon, cougourdon, coucourde, cougourde, tuque, cogorla, cogorda, courge bouteille… Il est naturellement présent dans toute l’Occitanie, et il a réussi à échapper à l’orthographe et la standardisation de la langue française ! Il peut être indifféremment masculin ou féminin, ce qui traduit bien la variété de formes, rebondies comme des Vénus, ou tendues comme des Phallus.

On ne sait pas d’où vient le cougourdon… Il était connu en Thaïlande en moins 10000, au Pérou en moins 12000, en Egypte ancienne en moins 2000, et il pousse en espèces sauvages en Zambie. Notons que le cougourdon peut flotter presque une année entière dans l’Océan et voir ses graines germer sur la première côte rencontrée…

Pline l’ancien en recommande la culture au potager . Aussi, elle fut l’une des premières plantes domestiquées, car elle pouvait servir à tout. C’était la seule courge que l’on trouvait dans les jardins européens et sur les tables du Moyen Age, la lagenaria vulgaris, appelée gourde, cougourde, couhourde, cohourde. Le Capitulaire de Villis, établi par Charlemagne au VIIIe siècle, mentionne qu’on en mangeait la chair, les graines, qu’ elle était utilisée pour ses vertus médicinales et son écorce séchée servait à fabriquer toutes sortes d’objets (d’où son nom lagena, qui signifie bouteille en latin).

Dans le livre des Préceptes Cisterciens, qui règle la vie économique des moines, un chapitre entier est consacré à la courge. Elle y est appelée cugurta. On y trouve une description très précise de sa culture, depuis la plantation des graines, jusqu’aux recettes de cuisine. Ce chapitre est inspiré de l’Opus Agricolae, un texte antique de Rutilius Taurus Palladius (fin du IVème siècle). Ce texte, copié et diffusé par les moines, apparaît comme l’ouvrage de référence au XIIème siècle pour la culture de la courge. ¹

La récolte des courges Tacuinum sanitatis in medicina – Codex Vindobonensis series nova 2644 der Österreichischen Nationalbibliothek Graz: Akademische Druck- und Verlagsanstalt 2004, fol. 19 verso

Tacuinum sanitatis in medicina – Codex Vindobonensis series nova 2644 der Österreichischen Nationalbibliothek Graz: Akademische Druck- und Verlagsanstalt 2004, fol. 22 verso

Ces « courges » ou « couhourdes » du Moyen-âge, à l’écorce très dure et la chair fade, ont été détrônées par leurs cousines cucurbitacées, citrouilles et potirons, ramenées d’Amérique. Alors que jusqu’au XIXe siècle le terme de courge désignait exclusivement les lagenaria, l’on s’est mis à utiliser un nom pour un autre, et la confusion s’est installée petit-à-petit. Il y a même des Niçois qui croient dur comme fer que le coucourdon vient d’Amérique, et qu’il est arrivé chez eux au XVIe siècle .Finalement, cela montre bien la multiplicité des points de vue et la relativité de l’histoire…

En Occitanie, le nom de ce fruit varie selon la forme et l’usage :

En occitan niçois : cougourdoun, couossa (la tête), bachourla (la gourde), serpa a maravilha(serpent), marenka (maracas), ailleurs en occitanie : cogorda, cogorla, cohorda,cohorla… et en français : l’amphore, la bouteille, la pèlerine… Des formes qui ont donné de très nombreux ustensiles, mais aussi des objets à fonction purement décorative.

Les Niçois ont une affection particulière pour le matériau, que l’on peut se procurer à une foire printanière annuelle nommée « festin des cougourdons ».

Comme le laisse entendre le proverbe « Una maioun sensa cougourdoun es couma un nidou sensa passeroun ». -Un logis sans cougourdon, c’est comme un nid sans oisillons- le cougourdon a une âme. Annie Sidro nous confie : « Le coucourdon, une fois séché, permet d’enfermer les âmes, qui ne pourriront pas à l’intérieur. »

Aujourd’hui, on retrouve ce fruit dans tout le pourtour Méditerranéen, de façon assez homogène. ll est utilisé partout dans le monde pour la confection d’objets utilitaires, décoratifs, rituels, mais il est surtout connu comme matériau constitutif d’instruments de musique.

Des instruments de musique « ready made »

Il n’est pas question ici de parler des « calebasses » dans les musiques du monde, le sujet a été largement traité dans de multiples ouvrages. Il s’agit de pointer notre loupe sur un oublié de l’histoire du Midi et de l’organologie : le cougourdon.

Mais revenons en arrière, et prenons de la distance. Aux origines de la musique, les idiophones, hochets, racloirs, étaient fournis prêts à l’emploi par les coucourdes. Les premiers instruments à vent sont issus de tout objet creux : roseau, os, coucourdon… Les instruments à cordes, ont sûrement trouvé leur première caisse de résonance sous la forme d’une… cougourde. Mais laissons nos hypothèses et laissons place aux faits : la Méditerranée a vu les Egyptiens se servir de courges comme caisse de résonance de leurs premiers luths.

J.Desigaud, 2017

A propos, infos en vrac :

Une princesse de Sicile possédait, au XVIIIe siècle, une mandoline richement ornée dont la caisse était aussi en cougourdon. Il se dit à propos de la GUITTARE, en 1757 : « Sa forme semble avoir été prise d’après celle d’une moitié de calebasse ou gourde, à laquelle est ajustée une table de pin, & un manche au bout de la partie supérieure du corps de l’instrument. » L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, article GUITTARE, auteur anonyme, 1er novembre 1757

La confection d’instruments à vent avec des cougourdes est attestée au XVIIIe siècle par cette citation dans l’Encyclopédie : « Après avoir percé une courge par en bas et par en haut, on y insère la partie la plus étroite de la chalémie. Le son en est assez agréable. Les paysans de Gaëte s’en servent à la chasse et dans leurs fêtes de printemps. » Encyclopédie Méthodique des Arts et Métiers Mécaniques de Diderot et D’Alembert, réimpression de l’édition de Paris 1785, chapitre Arts du faiseur d’instruments de musique et de lutherie.

-Histoire de l’agriculture Américaine: la Zucca (cougourde italienne comestible quand elle est petite) a été introduite en 1930 aux USA.

En 1942, on en produisait 400 tonnes. En 1991, il ne restait qu’un fruit sur le continent. A partir de ses graines une centaine de fruits ont poussé, de nos jours les gens de la Gourd’s Guild en produisent des tonnes.

Tout ça pour dire que cette plante est liée à l’homme, elle le sert, s’il la sert.

-Image: Les fleurs s’ouvrent au crépuscule et se ferment au petit matin.

-Origine: on ne sait pas d’où il vient. il était connu en Thaïlande en moins 10000, au Pérou en moins 12000, en Egypte ancienne en moins 2000, et il pousse en espèces sauvages en Zambie.

Histoire en Europe: Pline l’Ancien au 9e siècle la recommande comme plante utile à cultiver au potager. Au moyen-âge, les gens ne connaissaient pas les courges actuelles (courgettes, citrouilles, potirons)

On l’appelle cohourde en 1256, puis courge. Jusqu’au XIXe siècle le terme de courge désignait exclusivement les calebasses. 

Islam: Le prophète Mahomet aimait les calebasses et en récupérait les fragments. Le Coran raconte que Dieu fit pousser un pied de cougourde pour nourrir et soigner Jonas rejeté du ventre du poisson.

Elle fut l’une des premières plantes domestiquées, car elle servait de récipient.

Utilisations: pour une énumération avec réponse du choeur  Bouée de pêche (filets), gourde, amphore, boite, emballage, garde-manger, cuiller, louche, plat, bol, bassine, écumoire, boucle d’oreille, perle, collier, abat-jour, blague à tabac, godemiché, tasse, étui pénien, vase à fleurs, poire à poudre de fusil, chaise, fauteuil, couffin, éponge, ruche, piège,  flotteurs divers, pipes, nichoirs d’ oiseaux, jeu, masques, entonnoir, cage à poussin, pot à semis instruments de musique (maracas, kora, balafon, berimbau, mvet, chekere, udu, baglama, kamanche, sitar, veena, pungui, hulusi, guitare, senza, violon, riti, cistre, mandoline, crécelle, trompe, bobr, banjo, Les Luos du Kenya s’en servent pour confectionner un gros cor traditionnel, dont ils jouent lors de cérémonies et pour éloigner les animaux sauvages.

Médecine: en Chine ancienne, les calebasses ont la capacité de préserver le goût du vin pendant très longtemps. D’anciens livres de médecine rapportent que le vin conservé dans une calebasse pouvait guérir les inflammations, améliorer la vue et aider à la digestion.

Dans le feng shui, on pense que les calebasses possèdent le pouvoir de chasser les mauvais esprits. Le mot chinois pour calebasse—hu lu—est un homophone des mots ‘protection’ et ‘bonne fortune’ C’est peut-être la raison pour laquelle les anciens considéraient les calebasses comme des porte-bonheur, et les suspendaient au-dessus des portes d’entrées ou les portaient pour conjurer le mal.

Anecdote: Dans une gourde conservée par une famille italienne se trouveraient des traces de sang attribuées à Louis XVI et qui auraient été obtenues juste après son exécution. La gourde est très gravée, décorée avec grand art, et les analyses d’adn tendent à confirmer ce qui est gravé au fond de la gourde: « Maximilien Bourdaloue le 21 janvier de cette année imbiba son mouchoir dans le sang de Louis XVI après sa décollation »

Un super conservateur, la gourde, non?

Durable: en Afrique,  c’est un objet d’utilisation courante, et les femmes sont très attachées à leurs calebasses. Lorsqu’elles se cassent ou se fêlent, il n’est pas question de les jeter ! Elles sont d’abord recousues… Et recoudre une calebasse est tout un art ! Il faut d’abord colmater la fêlure, ensuite il faut percer de petits trous de part et d’autre de la fêlure dans lesquels on passe la corde ou le morceau de paille qui servira de fil à coudre. Ainsi recousue, une calebasse peut doubler sa durée de vie.

Cosmique: Un peu partout en Afrique la calebasse est un objet investi d’un pouvoir considérable, image cosmique (sa rondeur est celle du ciel comme de la terre) mais aussi image de la femme, elle représente la matrice, le contenant parfait. Elle est donc naturellement utilisée pour l’inscription de signes relatifs à la procréation. Ailleurs en Afrique de l’Ouest, au Bénin, la calebasse joue pleinement son rôle de symbole cosmique : ainsi dans le mythe Yorouba, la déesse de la Terre (Odudua) et le dieu du Ciel son époux (Obatala) se ressemblent comme les deux moitiés d’une calebasse coupée qui, une fois fermées, ne peuvent plus être ouvertes. On se représente l’univers comme deux demi-calebasses reposant l’une sur l’autre. Celle du ciel, renversée, repose sur celle de l’eau et de la terre, et la ligne qui joint leurs bords, c’est l’horizon.

Medecine: le fruit mûr enlève la migraine.

Islam: Dieu :Razza wa jal: cité la courge dans l’histoire de Younès et a dit : [Nous fîmes croître au-dessus de lui, en guise de protection un plant de citrouille (yaqtîn)]. (Coran : Sourate 37 / Verset 146). La citrouille est froide humide au second degré. Elle engendre des humeurs saines, nourrit proprement, est avantageuse dans la toux, est la meilleure des nourritures déguisées, pour les fièvres. Le Prophète :saws aimait la courge piriforme (doubbâ’ ou lagenaria pyriformis). « Mangez la courge, cet aliment accroît l’intelligence et la vie du cerveau » disait-il :saws. Voici une parole de ‘Aïcha :rar, l’épouse préférée du Prophète :saws : « Celui qui mange de la courge aux lentilles, arrive à avoir le coeur bienveillant, et se livre davantage aux jouissances conjugales ».

Climatisation:

la cougourde, lorsqu’il fait très chaud, atomise de l’eau par les feuilles, pour se rafraîchir. C’est pour cela que son ombrage est si rafraîchissant et prisé pour les tonnelles. De plus, il meurt en automne, lorsqu’on a envie de retrouver le soleil.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

%d blogueurs aiment cette page :